Un petit nuage rouge
Suspendu par un fil au milieu du ciel
D’encre de chine verte
Se balançait doucement
Au clair d’une lune sombre
En pleine crise de croissance
Rencontra une étoile qui fuyait
Puis deux autres
Puis trois astres
Puis une ourse
Puis une autre
Puis un scorpion
Puis un berger
Puis un poisson
Puis un crabe mangeant un Bernard l’ermite
Sur un banc de corail
Echoué sur le sable
D’une plage immense
Sur laquelle se tient une porte
Seule debout ouverte
La marée allait poindre
Un poisson lune s’y fit prendre
Les eaux s’engouffrèrent par la porte
Qui transformée en guillotine
Découpa la mer en pain de glace
Le poisson lune se retrouva pris
Encore une fois
Comme dans un aquarium
Qui glissait sur un toboggan
Dans un camion frigorifique
Des entreprises Yal Glass & Son
Camion qui partit sur le chemin
Sinueux et raide
Du supermarché
Où furent déposés les pains de glace
Une longue colonie de fourmis
Grouillante et lustrée y vint
Pour faire ses emplettes
Avec une luge
Qu’une myriade de fils de soie
Rattachait à elles
C’était Gédéonde
L’araignée gironde
A qui elles s’étaient confiées
Et qui pour les aider
Les avait tissé
Elles s’étaient donc mises à plusieurs
Pour un but unique
Pour un achat unique
Un pain de glace
Qu’elles tirèrent jusqu’au réfrigérateur
Qu’elles habitaient en collectivité
Du pain de glace
Elles firent une patinoire
Pour leur petits plaisir
Et patinaient à ravir
Mais le pain de glace se mit à fondre
Car le réfrigérateur était débranché
Si bien que le pain de glace
Se transforma en poisson lune
De moindre taille
Et qui en perdit aussi
Ecœurées la communauté partit
Un clochard
Traversa le terrain vague
Derrière la cité louche
Et le supermarché
Découvrir le frigidaire
Et machinalement l’ouvrit
Hagard comme après un coup de lune
Il découvrit le poisson
Qu’il jeta dans une poêle
Puis partit allumer un feu
Les étoiles peinées
Par ce spectacle affreux
Cruel pénible et douloureux
Pleurèrent à chaudes larmes
Tant et si bien
Que le feu s’éteint
Atrocement mécontent
Le clochard qui n’aimait
Déjà pas le poisson
Et surtout le poisson froid
Le jeta si loin
Qu’il retomba dans le caniveau
Qui débordait
Le choc le sortit
du sommeil engourdi de froid
Il se précipita dans le courant
Qui l’entrain dans les égouts
Puis dans le fleuve
Puis dans la mer
Où il retrouva tous ses copains
Qui lui firent des fêtes
Où il but tout son saoul
Et même un coup de trop
Si bien qu’il se noya
A la lune
Sombre destinée
Pour un petit poison lune
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